L’intersyndicale qui appelle à rejeter le projet de loi travail (FSU, CGT, FO, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL), à l’occasion du débat parlementaire qui vient de s’ouvrir sur ce projet de loi, interpelle les parlementaires afin qu’ils rejettent ce projet.

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Vous allez prochainement examiner le projet de loi « visant à instituer de nouvelles

libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », dite loi

travail.

Nos organisations demandent au gouvernement le retrait de cette loi. Au-delà du

manque de concertation en amont, cette demande est motivée par cinq raisons de

fond :

- Ce projet de loi marque une rupture dans l’articulation entre les normes,

rendant la loi bien plus supplétive qu’impérative, affaiblissant ainsi l’ordre

social public, et par voie de conséquence le contrat. Dans un tel contexte,

les différents niveaux de négociation collective se verraient désarticulés et

perdraient de leur cohérence, au risque de dégrader les droits des salariés et

leurs garanties collectives. Ainsi, pour tout ce qui concerne dans un premier

temps la durée et l’organisation du travail, ce projet de loi donne la priorité

ou l’exclusivité à l’entreprise comme niveau de négociation. Or, c’est au

niveau de l’entreprise que la pression, le chantage à l’emploi sont les plus

forts sur les salariés pour remettre en cause leurs droits et situations.

De même, le référendum pourrait servir à court-circuiter les syndicats

représentant une majorité de salariés et risquerait d’accroître encore les

tensions dans les entreprises. Cette logique a conduit, dans les pays qui l’ont

pratiquée (Espagne et Portugal, notamment), à un effondrement de la

négociation collective et à l’augmentation du nombre de salariés non

couverts par une convention collective. Une telle logique conduirait la

France à perdre sa place internationale qui, aujourd’hui, offre la meilleure

couverture conventionnelle aux travailleurs, grâce à l’existence de

conventions collectives nationales.

- Nombre de dispositions constituent des remises en cause importantes :

prévisibilité des congés, heures supplémentaires, médecine du travail,

licenciement économique, mise en place de licenciements pour motif

personnel, accords de développement ou de préservation de l’emploi,

disparition des avantages individuels acquis, taxe d’apprentissage, VAE, etc.

- Ce projet de loi, correspond au point 6 des recommandations de la

Commission européenne dans son document du 13 mai 2015 sur le

programme national de réforme. Il s’inscrit dans une logique économique

libérale et dans une politique d’austérité dont on mesure tous les jours les

dégâts et les risques d’aggravation de la crise, notamment dans ses

conséquences sociales. C’est par la relance et des garanties protectrices

renforcées pour les salariés que la situation économique pourra s’améliorer.

Ces orientations économiques conduisent de fait à accroitre la flexibilité, la

précarité, l’insécurité et même le chômage.

- Pour les jeunes générations, le signal donné par ce projet de loi est

l’accroissement des inégalités, de la précarité et de la pauvreté. C’est aussi

une difficulté plus grande à acquérir leur autonomie. Les déclarations du

Premier Ministre sur la garantie jeunes, par ailleurs déjà annoncées avant

ce projet de loi, sans débloquer les budgets nécessaires, relèvent de l’effet

d’annonce.

- Pour les femmes, ce projet de loi va aggraver les inégalités professionnelles.

Aujourd’hui, la moitié des femmes qui arrêtent de travailler à la naissance

d’un enfant connaissent déjà des horaires atypiques (de nuit, le week-end

ou le soir). Les remises en cause des 35 heures risquent d’amener des

régressions dans l’égalité tant professionnelle que dans la vie personnelle.

Alors que les questions de formation et d’entrée dans l’emploi sont essentielles, ce

projet vise à des formations répondant aux seuls besoins des entreprises et non pas

à l’obtention de formations qualifiantes et reconnues pour des emplois stables et

de qualité.

A l’inverse de ce projet de loi, nous sommes porteurs de propositions de droits

nouveaux en termes d’emploi, de salaires et pensions, de temps de travail, de

protection sociale, de garanties collectives, de conditions de travail, de formation

et de droits et libertés syndicales. Des propositions porteuses de progrès social et

correspondant à la réalité du travail d’aujourd’hui et de demain. En conséquence,

nous vous demandons de rejeter ce projet de loi, et nous restons disponibles pour

échanger avec vous.

Veuillez agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, nos salutations

distinguées.

CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL