Vous trouverez ci-dessous le discours prononcé par Bernadette GROISON, secrétaire générale de la FSU, lors de l’ouverture du 8° congrès national de la FSU au Mans.
En ce début d’année 2016, nous avons évidemment une pensée pour toutes les victimes des attentats de l’année 2015. Nous ne les oublions pas comme nous n’oublions pas toutes celles et ceux qui sont touchés par des actes barbares identiques dans d’autres pays du monde.
L’esprit du 11 janvier n’a pas disparu. L’attachement aux valeurs, au droit de penser, de dire et d’agir ; la volonté de vivre ensemble dans la diversité qui est celle de notre société sont bien réels. Les mobilisations citoyennes ont rappelé que la force de la France est d’être multiple et diverse.
Le mouvement syndical doit être présent à ce rendez-vous de l’histoire.
Bien sûr, ce sont des questions multiples et ô combien complexes qu’il nous faut aborder : Qu’est-ce qui aujourd’hui fait sens commun dans notre société ? Qu’est-ce qui nous unit ? Vers quels horizons voulons-nous nous diriger ensemble ?
Nous nous étions promis, en janvier 2015, d’ouvrir toutes les boîtes, y compris celles qui dérangent. Y compris celles qui ont opposé les « Je suis Charlie » aux « Je ne suis pas Charlie ». Nous avons réussi à faire un travail qui a rassemblé presque tout le mouvement syndical (sauf FO) et à écrire un texte, « Vivre et travailler ensemble », mais nous ne l’avons pas suffisamment exploité. Et puis le temps a passé… alors après le 13 novembre, nous nous sommes à nouveau promis de répondre à nombre de questions. Nous n’avons plus le choix : nous devons le faire.
Car non, « expliquer » ce n’est pas « excuser », Monsieur le Premier ministre. Et nous allons, nous FSU, nous atteler à cette tâche.
Mais le discours sur les valeurs ne suffira pas. Car elles ne se décrètent pas. Pour y croire, il faut que les valeurs aient du sens dans le quotidien de chacune et chacun.
L’égalité doit être réelle entre les citoyens, la liberté de vivre comme chacun et chacune l’entend un droit effectif, la laïcité non pas établie comme un dogme mais comme un gage de respect des convictions et des croyances, une garantie de la liberté de conscience de chacun.
Rappelons nous ce beau poème d’Aragon : « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ».
Le gouvernement a lui choisi l’option sécuritaire avec l’établissement de l’état d’urgence. Il est aujourd’hui question de prolongation, de constitutionnalisation… Or, pérenniser des dispositifs d’exception c’est mettre en péril l’équilibre entre les pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs ; c’est introduire dans la justice ordinaire des mesures exceptionnelles. Sans sous-estimer la menace terroriste qui pèse encore aujourd’hui, et en assurant comme il se doit la sécurité des citoyens, compte-tenu de ce que la loi permet déjà pour faire face à la menace terroriste, la FSU demande au gouvernement d’engager maintenant la sortie de l’état d’urgence.
Quant à la déchéance de nationalité, oui, pour le coup, il serait pour le moins « symbolique » de remettre en cause le droit du sol à un moment où nous avons tant besoin que soit portés haut et fort nos valeurs et les principes des droits de l’Homme qui ont une visée universelle ! Et ce d’autant que chacun s’accorde à dire que cela n’aura aucun effet dissuasif pour d’éventuels terroristes ! Et avec ses nouvelles propositions le Premier ministre en rajoute sur ce qui clive. Ce n’est pas acceptable pour la FSU !
Parce qu’ « il n’y a pas de bonheur dans la haine » (Albert Camus – Les justes), ce dont nous avons besoin, c’est bien plus d’un projet global où les armes essentielles pour lutter contre le terrorisme sont fondées sur le respect des libertés individuelles et collectives ; un projet qui permette de lutter contre les discriminations (et si la FSU s’est félicitée de la loi promulguant le mariage pour tous, nous savons que nous n’en n’avons pas fini avec les LGBTphobies), le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie, tous les intégrismes, toutes les stigmatisations… et encore plus aujourd’hui quand les actes racistes et anti-religieux sont en augmentation ; un projet, qui, avec des politiques ambitieuses : éducation, logement, culture, sport, loisirs, santé, aménagement du territoire, services publics.., permette le vivre ensemble.
Il s’agit de donner à voir un projet collectif, une vision de la société, de lui dessiner un avenir… Il faut créer de « l’imaginaire commun » comme nous l’a dit Edwy Plenel lors d’un de nos conseils nationaux.
Alors oui, mais comment ?
Certes, nous-mêmes, nous nous posons beaucoup de questions sans jamais vraiment toujours les traiter ni y apporter un début de réponse. Et parfois le simplisme, la posture comme la caricature n’aident guère à l’intelligence collective. Pourtant, il y a urgence à ce que nous aussi nous tracions des pistes pour cet « imaginaire commun ».
Mais alors, direz-vous, comment convaincre de cela dans une société qui compte plus de 5 millions de chômeurs, 6 millions de familles qui survivent grâce aux minima sociaux, 23% de jeunes et 10% des retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté, une précarité importante et des inégalités qui se creusent : les riches étant toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ? Dans un monde où 1% de la population détient plus de la moitié des richesses mondiales ? Sans compter l’économie toujours menacée par des bulles spéculatives.
Comment, lorsque l’on est jeune, se sentir appartenir à une même société, quand on vit parfois dans des quartiers stigmatisés, voire ghettoïsés et en tout cas bien loin du reste de la société ? Quand on a le sentiment que les regards que l’on croise sont ceux de la peur, voire de la haine, quand on se sent exclu, rejeté par l’échec scolaire et le chômage ?
Comment croire que le monde peut être meilleur quand, sur la scène internationale, il y a autant de conflits, de guerres, notamment au proche et moyen orient, qui continuent de provoquer la désolation et de déstabiliser le monde ? Des drames, comme en Syrie, en Irak ou ailleurs dans lesquels l’occident a sa part de responsabilité, provocant entre autre, un exode massif de réfugiés.
Comment croire que le monde peut être meilleur quand en France comme dans de nombreux pays européens, il aura fallu le choc provoqué par la photo du petit Aylan pour que les gouvernements européens disent prendre conscience de leur responsabilité devant des populations fuyant les guerres, la misère, la barbarie, la dictature ? Et depuis ? Les barbelés et les murs sont érigés ici ou là en Europe pendant qu’on laisse les capitaux circuler librement ; la jungle de Calais est une insulte à notre pays et à sa prétention d’incarner les droits de l’Homme. Et les mineurs étrangers isolés ne sont toujours pas pris en charge comme il se doit.
Le malaise de notre société est profond et la montée de l’extrême droite, en France comme ailleurs en Europe en sont une expression. Mais il faut avoir le souci de bien analyser la structuration de ce vote y compris dans la Fonction publique. Car attention aux raccourcis trop faciles : si le poids de la crise, et notamment le chômage, nourrissent ce vote, il y a de toute évidence bien d’autres facteurs.
La FSU milite et travaille depuis longtemps sur cette question. Elle a été à l’initiative du comité vigilance FN pour lutter contre la montée des idées d’extrême droite. Nos initiatives se mènent sur le terrain, aux côtés des équipes syndicales notamment celles impactées par une gestion Front National. Car nous connaissons les dangers que cela représente pour la démocratie et contrairement à ce qu’affiche le Front National, nous savons que son programme est profondément anti-social.
Ce tableau peut sembler bien noir mais il reflète l’état de notre société, de l’Europe et du monde. Tout ce que nous voulons modifier, dans l’idée même du syndicalisme de transformation sociale que nous portons.
Le monde oscille aujourd’hui, il hésite entre mondialisation et balkanisation, entre repli et solidarité, entre guerres et paix, entre régression et progrès… il vacille sous les coups de boutoir de l’idéologie néo-libérale…à nous de le faire basculer du bon côté.
Alors que se profile l’échéance de 2017, nous ne pouvons que mettre en garde car de renoncement en renoncement, monte l’idée que finalement tous les dirigeants, quel que soit leur bord politique, droite, gauche, seraient les mêmes ; qu’il n’y aurait pas d’autre perspective pour notre société, pas de possible… nous savons où cela peut nous conduire…
S’il faut voir le monde avec ses imperfections, il faut aussi savoir voir les espaces qu’il nous offre pour construire des possibles.
Pour cela il faut regarder la situation telle qu’elle est et non pas telle que nous voudrions qu’elle soit.
Pour cela, il ne faut pas que poser des questions ou dénoncer, il faut apporter des réponses, faire des propositions.
Pour cela, il faut convaincre, donc débattre, agir et rassembler massivement.
Oui, le monde, la société changent, évoluent, et nous devons prendre en compte cette réalité non pas pour renoncer à nos convictions, à nos idéaux, à nos revendications mais bien au contraire, pour que ce monde qui change ne le fasse pas pour de mauvaises raisons ni sur de mauvais principes mais pour que les changements, les évolutions offrent de meilleures conditions de vie, des droits nouveaux, plus de liberté, de solidarité, de démocratie…
C’est le sens de notre engagement dans la CoalitionClimat21 qui a fait un travail remarquable sur le lien entre les questions écologiques et les enjeux économiques et sociaux. Oui, le slogan de la CSI est juste : « il n’y a pas d’emploi sur une planète morte ! ». Une économie écologique et une transition juste nous commandent de repenser les modèles de production et de consommation ; d’en mesurer les implications dans de nombreux domaines comme celui de l’agriculture mais aussi en termes de formation et d’emploi car ce sont des millions d’emplois de qualité qu’il faut créer ; 120 millions d’emploi pendant 20 ans à l’échelle mondiale sont possibles… Alors, faisons vivre les préconisations de la COP21 qui ne sont qu’une étape sur un long chemin.
Les services publics sont au cœur de tous ces enjeux, c’est pourquoi nous en avons fait le fil rouge de notre Congrès.
Ils font l’objet de critiques récurrentes : trop coûteux, archaïques… des agents stigmatisés, leur travail caricaturé, le statut critiqué comme si en passant, la précarité pouvait être un modèle au XXIème siècle.
Cela n’est pas sans conséquence. La Fonction publique est déstabilisée, les fonctionnaires doutent, on le voit lorsque seul 1 agent sur 2 vote aux dernières élections professionnelles mais aussi maintenant dans l’analyse de leur vote lors des scrutins politiques.
Il s’agit d’une véritable entreprise de démolition.
Et ce, par ceux-là même qui, soit dit en passant, reprochent aux syndicalistes d’être dans l’idéologie et qui, eux, se permettent d’ériger en dogme la loi du marché ! Ces donneurs de leçon veulent imposer une pensée unique : tout devrait être pensé dans une logique de concurrence : salaires au mérite, management, mise en concurrence des services, des établissements…
Mais quand arrêtera-t-on de coller au secteur public des modèles qui ne peuvent pas fonctionner puisque les objectifs et les modes d’action ne sont pas les mêmes que dans le privé ? Si tant est qu’ils fonctionnent dans le privé…. Quand aurons-nous l’audace d’avoir enfin un projet spécifique à la Fonction publique qui permette aux agents non seulement de bien remplir leur rôle, leurs missions, mais aussi de conduire les évolutions nécessaires ? Car oui la Fonction publique doit évoluer et avis à tous ses détracteurs : « lisez donc le statut de la fonction publique, l’adaptabilité est un principe qui est inscrit dans notre statut ! «
Mais nous ne sommes pas dupes.
Cet acharnement n’est pas sans arrière pensée. C’est parce que certains y voient une manne considérable de profit si cela leur revenait. Si ces privatisations et externalisations à outrance dans tous ces domaines (éducation, santé, sport, justice, culture, protection sociale, nos mutuelles déjà en grande concurrence avec les assurances…) devenaient la règle, vous verriez qu’alors, tous les détracteurs d’aujourd’hui deviendraient les plus ardents défenseurs de ces « services », mais qui ne seraient plus alors ni accessibles à tous, ni gratuits… ils seront même capables de leur trouver quelques vertus afin de demander de l’argent à l’État pour les faire fonctionner…
Dans ce contexte, l’absence d’un projet pour la Fonction publique pèse.
Surtout parce qu’alors, la réduction des dépenses publiques devient « LE » projet hormis pour quelques secteurs déclarés prioritaires. Combien de fois la FSU a-t-elle dû s’adresser au Premier ministre ou au Président de la République pour demander des clarifications, faire part de ses indignations sur les propos de tel ou tel ministre ? Emmanuel Macron étant le champion de la provocation… Certes, le gouvernement a réaffirmé l’attachement au statut de la Fonction publique, et ce n’est pas rien, mais il aurait dû clairement placer la Fonction publique, et plus globalement les services publics, comme des atouts essentiels pour sortir de la crise et pour penser l’avenir. Et le « j’aime l’État et j’aime les fonctionnaires » du Premier Ministre arrive bien tardivement, et surtout ne s’accompagne pas de mesures phares éclairant un projet assumé par le gouvernement.
La question n’est pas pour nous d’opposer le privé au public mais de soutenir les services publics comme une condition essentielle au XXIème siècle pour produire des richesses, répondre aux besoins, participer du bon fonctionnement de l’économie du pays tout en contribuant à la cohésion sociale…
C’est ainsi qu’il faut penser les services publics et non pas avec une vision à courte vue de gestionnaires de l’austérité !
C’est ainsi qu’aurait dû être pensée la réforme territoriale et celle de l’État qui en découle.
C’est pourquoi nous devons continuer nos campagnes pour combattre les idées fausses et promouvoir les services publics.
Car ils participent de la création de cet « imaginaire commun » que j’évoquais précédemment. Dans notre livre sur les fonctionnaires, Stéphane Rozès a donné cette définition : « Dans l’imaginaire national, la Fonction publique est quelque chose qui porte l’intérêt général, qui pose la question du moyen et du long terme, qui porte l’investissement que fait une nation pour son avenir » (Stéphane Rozès dans le livre de la FSU « Fonctionnaires ? Quelle idée ! »)
Bien sûr, il n’y a pas de Fonction publique sans ses agents, titulaires comme non titulaires. C’est 20% de l’emploi du pays. Les attentes sont fortes : missions, métiers, conditions de travail, salaires, reconnaissance… Car l’image du fonctionnaire privilégié colle mal à la réalité : 20% d’agents au niveau du SMIC, 76% d’agents de la territoriale en catégorie C, les femmes et les jeunes étant les plus touchés par les bas salaires, des salaires enseignants en régression alors qu’ils augmentent dans les autres pays de l’OCDE, des inégalités salariales entre les femmes et les hommes de l’ordre de 15 à 20%, dégradation des conditions de travail, y compris du fait de la réforme territoriale, 20% d’agents non titulaires… A cet égard, la FSU continue de dire que le protocole Sauvadet, même en étant prolongé, ne suffira pas, et elle demande à la Ministre de la Fonction publique d’ouvrir des discussions afin de permettre la titularisation de toutes et tous. Il nous faudra pour cela poursuivre nos actions engagées à l’automne dernier.
Aujourd’hui, les diverses mesures annoncées pour les agents restent insuffisantes, notamment au regard des pertes de pouvoir d’achat. Les efforts imposés sont importants depuis 2000 : une réduction du pouvoir d’achat de l’équivalent de deux mois de salaire par an. Ces mesures d’austérité sont présentées comme un mal nécessaire à la relance économique et au recul du chômage. Or, après 5 années de blocage de la valeur du point d’indice, qui ont rapporté 7 milliards d’économie, l’échec est patent.
C’est pourquoi, après avoir signé PPCR, où nous avons imposé, entre autre, un rendez-vous salarial qui aura bien lieu fin février, nous avons pris l’initiative, dès le mois d’octobre 2015, de réunir toutes les forces syndicales afin de peser sur ce rendez-vous. Sans succès. Et si les conditions dans lesquelles la journée du 26 janvier a été lancée n’ont pas permis à l’ensemble de la FSU de s’y retrouver, il va de soi que nous sommes bien toujours déterminés à obtenir de réelles améliorations pour tous les agents : dégel du point, augmentation du point, mesures de rattrapage…
Pour celles et ceux qui en douteraient, la FSU n’a en rien changé d’orientation et elle appelle toutes les fédérations de fonctionnaires, les signataires comme les non signataires de PPCR, à se retrouver au plus vite pour obtenir enfin, en février, ce qu’attendent plus de 5 millions d’agents depuis trop longtemps maintenant !
Ce rendez-vous est capital. C’est le moment pour le gouvernement de montrer son attachement ou non à la Fonction publique et sa capacité à l’assumer. Depuis son congrès, la FSU avertit solennellement le gouvernement : elle ne comprendra pas et n’acceptera pas que nous passions à côté de ce rendez-vous. Si la balle est dans le camp du gouvernement, de notre côté nous resterons mobilisés jusqu’à l’obtention d’un dégel qui ne soit pas que symbolique !
Salaires, emploi, protection sociale… restent les préoccupations majeures mais aussi autant de sujets qui impose de s’attaquer à la finance, et pourquoi pas déjà à l’évasion et à la fraude fiscale qui s’élèvent à plus de 70 milliards…
Répartir plus équitablement les richesses produites, chercher de nouvelles ressources… on ne fera pas l’économie d’une réelle réforme fiscale pour sortir de la crise économique…. Car certains auraient-ils oublié qui en est responsable ? Et quels sont ceux qui payent la crise depuis 2008 ? Nous nous n’avons pas oublié ! Nous n’avons pas oublié non plus le tournant libéral du Président de la République en janvier 2014 avec le Pacte de responsabilité. Le gel de nos salaires et celui des pensions des retraités, les millions de chômeurs, de précaires… la crise européenne et le diktat de la Troïka, la situation faite à la Grèce… Non, nous n’avons non seulement pas oublié mais nous demandons toujours des comptes !
Mais ce congrès doit se pencher sur la capacité du mouvement syndical à mettre en perspective des alternatives en face de ces politiques d’austérité comme à construire un véritable mouvement de masse. Ce que nous n’avons pas réussi à faire jusqu’ici.
C’est le travail et l’engagement que doit prendre la FSU à ce congrès.
Dans ce contexte, l’emploi est l’urgence. Elle suppose évidemment aide et accompagnement des chômeurs, et pour cela Pôle Emploi doit en avoir les moyens. Mais elle suppose déjà des créations d’emplois ! Dans le privé comme dans le public !
Le gouvernement vient de présenter un nouveau plan pour l’emploi. Oui, la formation est une clé importante mais elle nécessite un véritable service public de l’emploi qui réunisse tous les acteurs de la formation initiale et professionnelle, de l’emploi, les employeurs et l’État. Car le lien entre Éducation, formation et emploi est primordial pour réussir.
Mais la FSU le redit fermement : sans une solide formation initiale pour tous les jeunes, on fera surtout du bricolage ! Arrêtons de faire croire que les dispositifs de rattrapage, le développement à tout va de l’apprentissage va régler la question. Et attention : un jeune en apprentissage est un jeune en formation et non pas un jeune salarié ! Les textes qui encadrent l’apprentissage doivent intégrer cela. Quant aux décrocheurs, il nous faut tout faire pour les ramener en situation de formation et d’emploi.
A l’approche de la nouvelle loi sur le travail, il est sidérant d’entendre des propos soutenant que le travail serait maintenant l’ennemi de l’emploi ! Coût du travail, révision du montant des indemnités prud’homales, baisse de l’assurance chômage (car elle n’encouragerait pas à la reprise d’activité…), tout cela étant présenté comme des évidences… Et, sur la base de rapports (Combrexelle, Badinter) qui ne sont jamais vraiment discutés, il faudrait réviser le code du travail car il serait bien trop complexe. Remarquons d’ailleurs que c’est le seul code qu’il est proposé de réviser…
Oui le monde du travail change, comment pourrait-il en être autrement ? Les modes de production aussi tout comme les comportements et ce qui se passe autour d’une certaine « ubérisation » de la société doit forcément nous interpeller. Mais notre curseur reste toujours celui de la protection des salariés, des chômeurs et la garantie de leurs droits. Et il faut aussi réhabiliter l’idée que le travail doit être émancipateur et non source de souffrance.
Et après le travail ? Les retraités représentent aujourd’hui 20% de la population et ils y jouent un rôle important. Il est indispensable de faire mieux prendre en compte leur place dans la société. Poursuivons le travail entre actifs et retraités pour y réfléchir mais aussi pour défendre leurs conditions de vie, obtenir le dégel des pensions et une meilleure protection sociale.
A ce titre, la FSU regrette la décision du SE-UNSA de quitter la FGR. Elle l’appelle à y réfléchir encore car les retraités ont besoin d’une unité syndicale et donc de la FGR.
Pour faire tout cela la méthode compte. En réhabilitant le dialogue social avec les corps intermédiaires, le gouvernement a voulu, selon la formule du Président de la République, un dialogue social « utile ». La question est parfois de savoir à qui… La FSU a beaucoup agacé en le disant publiquement au gouvernement lors de la dernière Conférence sociale mais elle le redit : pour que cela fonctionne, il faut accepter de traiter tous les sujets, pas seulement ceux du gouvernement ou des employeurs mais aussi les nôtres, ceux dont les organisations syndicales veulent débattre.
Mais la crise n’est pas qu’économique, elle est multiple.
« Une crise de l’humanité qui n’arrive pas à accéder à l’humanité » nous dit E. Morin dans son dernier ouvrage (Penser global – 2016).
Bien sûr qu’en tout temps et particulièrement dans ce contexte, l’Éducation joue un rôle majeur. Elle ne peut se réduire à quelques slogans ou à la méthode Coué trop utilisée ces temps-ci par le gouvernement. Celui-ci doit entendre que l’efficacité d’une réforme (et bien évidemment nous avons en tête celle des rythmes scolaires et celle du collège) dépend aussi de l’adhésion des personnels car ce sont eux qui doivent la mettre en œuvre.
Le récent rapport du Comité de suivi de la loi de Refondation, publié en janvier, est particulièrement critique sur la mise en œuvre de la loi. Il met en cause le pilotage de la réforme par le ministère (priorité au primaire factice, panne de la formation des enseignants, missions à clarifier pour certaines d’instances…). Une mise en œuvre de la loi qui risque au final de contourner les principes affichés par la loi. Ce n’est donc pas pour rien que les personnels ont eu le sentiment que la réforme se diluait au fil du temps et qu’elle se réduisait finalement dans le débat public à des questions polémiques en dehors des nécessaires transformations.
Mais cette déception vient aussi du fait qu’une loi ne suffit pas à changer l’école.
Aujourd’hui 2 éléments sont indispensables pour réussir à transformer le système éducatif et l’enseignement agricole comme nous le souhaitons : un discours éducatif fort qui affirme que nous n’avons jamais tant eu besoin d’éducation et de formation pour tous les jeunes et un engagement total à transformer le système éducatif ! L’éducation est indispensable pour relever tous les défis auxquels notre société, auxquels l’humanité est confrontée évidemment mais déjà aussi pour que tous les jeunes se construisent leur avenir personnel et professionnel.
C’est déjà cela la priorité à la jeunesse ! Et la FSU le redit avec force : tous les jeunes sont éducables, tous doivent sortir du système éducatif avec une qualification !
Alors passons des intentions aux actes : pour tous les jeunes, pour les 20% d’élèves en situation de pauvreté, les 120 000 qui sortent sans qualification, pour ces enfants d’ouvriers qui ont 2 fois moins de chance de décrocher leur bac que les enfants de cadres, pour les 21% des 15-24 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation, oui il est urgent de transformer réellement le système éducatif !
Un des leviers est l’exercice même du métier d’enseignant, des métiers de l’éducation. Ainsi, la question du travail en équipe reste centrale car pouvoir travailler ensemble pour mieux prendre en charge tous les élèves et notamment les plus fragilisés, les plus éloignés de l’école est indispensable. Pour cela il faut du temps de concertation et le respect de la liberté pédagogique ; et bien évidemment une formation initiale et continue digne de ce nom.
Alors nous allons continuer à agir pour obtenir une réelle priorité au primaire, une autre réforme du collège, l’ouverture de concertation à partir d’un réel bilan de réforme des lycées et de premières mesures pour la voie professionnelle. Nous resterons bien sûr vigilants sur les créations de postes prévues par la loi de Refondation de l’École au regard d’une crise de recrutements qu’il ne faut pas sous estimer.
Et nous attendons toujours aussi le bilan de la loi ESR. Comment serait-il possible que rien ne soit fait pour soutenir les universités aujourd’hui en grande difficulté financière, ce qui les place en contradiction avec les objectifs d’élévation du niveau de qualification et de démocratisation qui est une urgence absolue ?
Si l’École ne peut résoudre à elle seule toutes les fractures de la société, elle y participe et doit pouvoir le faire mieux encore. C’est notre engagement et la FSU doit sortir de ce congrès avec un projet éducatif clair, ambitieux pour l’avenir de la jeunesse de notre pays…
La FSU ne lâchera pas sur la nécessité d’obtenir une réforme ambitieuse et progressiste de la justice des enfants et adolescents car résolument non les mineurs ne sont pas des majeurs et non la logique d’enfermement ne participe pas de la prévention ni de l’éducation. Dans le même esprit, la FSU continuera à militer pour que le travail social ne soit pas détourné de ses missions et pour que les agents soient reconnus comme il se doit.
N’oublions pas, pour clore ce chapitre Education, la belle phrase de Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ».
Alors oui, au moment où nous tenons ce congrès, le contexte dans lequel nous vivons est difficile.
Il peut même nous amener parfois à douter de ce que nous faisons. Nous ne devons pas douter de nous. Nous pouvons même être fiers du rôle que joue notre fédération.
D’abord parce qu’elle ne se ment pas à elle-même.
Elle sait reconnaître ses difficultés, affronter ses débats, et tant mieux lorsqu’ils sont parfois vifs, c’est le signe que la diversité et le pluralisme ne sont pas de vains mots à la FSU et que nous ne craignons pas la « dispute ».
Ensuite, parce que la FSU s’est engagée chaque fois qu’il était nécessaire, comme elle se l’était promis lors de son congrès de Poitiers : en proposant, en agissant et en cherchant à rassembler.
Mobilisation contre la réforme des retraites, l’ANI, les politiques d’austérité, avec la CES, avec la Convergence des Services publics notamment à Guéret, engagement dans la CoalitionClimat21, actions nombreuses dans la Fonction publique, avec le mouvement social et notamment avec ATTAC et RESF, en soutien aux militants syndicalistes comme ceux de la Confédération Paysanne, et bien sûr les 8 de Goodyear. Et nous rappellerons d’ailleurs jeudi notre soutien à ces 8 syndicalistes. Je propose pour cela que nous votions dès aujourd’hui une motion de congrès.
Et à cela, il faut ajouter des actions sectorielles dans l’Éducation, l’enseignement agricole, l’Enseignement supérieur et la Recherche, l’Environnement, Pôle Emploi, la Justice, l’Agriculture, la Culture…Non décidément, nous n’avons pas ménagé nos efforts…
Malgré toutes ces mobilisations, nous n’avons pas réussi à imposer un changement de cap… Trop d’actions ont été peu suivies, nous en avons même parfois abandonné en chemin comme sur la Votation Fonction publique…
Alors prenons garde si nous voulons rester offensifs !
Prenons garde à ne pas nous laisser aller à penser que le problème viendrait uniquement des autres : le gouvernement, ceux qui seraient dans un « autre camp », les directions, y compris celles de la FSU et de ses syndicats nationaux, pas assez déterminées… Prenons garde à ne pas disperser nos forces, à ne pas nous tromper d’adversaire. Rassemblons nos idées, notre énergie, notre détermination, notre diversité car nous sommes, nous tous, une force syndicale, autonome, indépendante, libre de ses réflexions et de ses décisions. Prenons soin à ce congrès de ne pas regarder en arrière mais de regarder devant et ensemble. Et surtout, ne perdons pas de vue ce qui fait l’identité de la FSU : son fameux « U. » qui signifie que pour nous rien ne se fait en matière de syndicalisme sans les personnels ! Rien n’est possible si l’on ne cherche pas à rassembler avant de diviser ! Il nous faut donc suivre le chemin qui permet à des milliers, des millions d’agents, d’avoir envie, confiance, de venir débattre et construire avec nous des revendications, des actions massives, majoritaires afin de peser et de redonner crédit et espoir en l’action syndicale et surtout surtout de changer le cours des choses… C’est possible !
Et ce congrès est une belle occasion pour y travailler.
Alors bien sûr, l’état du syndicalisme dans notre pays n’est pas très bon…
Faible taux de syndicalisation, mauvaise image dans l’opinion, la défiance, la distance s’installe entre les salariés et les organisations syndicales, avec l’opinion aussi. Si l’on en croit les sondages, seul un salarié sur trois se sent proche d’une organisation syndicale. Et s’ils nous jugent plutôt utiles pour défendre leurs intérêts individuels, ils ne nous font pas confiance pour peser sur le cours des choses, pour conduire les évolutions nécessaires. Un rapport d’extériorité s’installe comme d’ailleurs avec l’ensemble des institutions et des partis politiques, ce qui ne nous rassure pas…
Mais les organisations syndicales ne creusent-elles pas elle-même cet écart en s’évertuant à chercher d’abord ce qui clive ? En entendant peut être mal ce que disent les salariés ? En considérant que le nombre d’organisations est déjà un problème avant d’être le reflet de la diversité des salariés, de leur histoire aussi ?
Certains ont même décidé, par paresse intellectuelle ou à d’autres fins…, que le monde syndical serait, en France, divisé en 2 camps… dont on ne sait pas très bien qui délivre les livrets de compétence des uns et des autres…
Si la FSU ne se reconnaît pas dans cette théorie entre les dits « réformistes » d’un côté et les dits « contestataires » de l’autre, c’est parce qu’elle n’oppose pas la volonté d’obtenir des droits et des améliorations pour les salariés à la nécessité de mobiliser. Il n’y a pas de concertation ni de négociation sans y associer les personnels. C’est d’ailleurs ce que nous avons très bien fait lors des négociations PPCR.
Quand les réformes vont dans le bon sens, quand elles permettent du progrès, nous pouvons les acter, mais quand il s’agit de mauvaises réformes, de « contre-réformes », alors nous les dénonçons et nous les contestons. Et attention, que ceux qui sont dans l’air de la « réformite » prennent garde à ne pas finalement réformer pour réformer. Car ce vent de pseudo modernité n’est pas en soi un gage de volonté transformatrice ! La modernité exige que les réformes ne soient pas applaudies ou contestées parce qu’elles sont des « réformes », mais pour ce qu’elles contiennent.
Alors non, la FSU n’est pas naïve, elle sait qu’il existe de réelles divergences, de vrais désaccords, entre les organisations syndicales. Et d’ailleurs, elle n’a jamais reproché à quelque organisation que ce soit ni ses choix ni ses propos. Les organisations syndicales sont toutes représentatives de salariés et cela se respecte !
Mais elle appelle à la responsabilité, au débat, à déjà chercher ce qui peut rassembler avant ce qui peut diviser ! Et peut-être alors inverserons-nous la courbe des sondages ?
Au-delà du travail unitaire, la FSU a proposé depuis de nombreuses années, à toutes les organisations syndicales qui le souhaitaient, de se retrouver pour voir comment unifier le mouvement syndical, autour de l’idée d’un nouvel outil syndical. Nous avons conduit des travaux, des initiatives avec Solidaires et plus particulièrement avec la CGT. Nous allons profiter de ce congrès pour en faire le point et voir comment rebondir.
Enfin, parlons un peu de nous quand même pour finir…
Nous regrettons que nos demandes d’adhésion à la CES et à la CSI n’aient pas à ce jour abouti malgré les nombreuses démarches de la FSU. Nous savons que les freins viennent des organisations françaises (FO, CFDT, UNSA). Mais que craignent-elles donc ?
Mais ne désarmons pas car nous savons aujourd’hui l’importance des politiques européennes : économie, immigration…chaque jour nous mesurons l’importance que le mouvement syndical soit organisé à ce niveau là aussi, et donc nous continuerons de militer pour une Europe solidaire et de progrès social et pour faire aboutir nos demandes.
Nous allons poursuivre nos actions au plan européen et international et nous saluons déjà nos invités présents à ce congrès : Louise Chabot, Présidente de la CSQ du Québec, Sonsoles Redondo pour les CCOO Espagne, Tountou Diakité, Présidente du mouvement national des femmes de la CSA Sénégal, Fernando Mauricio, membre du comité exécutif et responsable du département international de la CGTP-IN Portugal.
Je suis heureuse de pouvoir, à ce congrès, vous dire qu’un des engagements pris au congrès de Poitiers est tenu ! Nous avions décidé de mener les rapprochements entre les syndicats nationaux de la Fonction publique territoriale : c’est chose faite ! De par nos appartenances à nos syndicats respectifs, nous avons tous des histoires issues d’évolutions et/ou de ruptures du monde syndical. Nous savons donc que ce travail n’a été ni simple ni facile. C’est le fruit d’un long processus. Le SNUclias et le SNUacte ont rapproché leurs histoires syndicales, leurs cultures professionnelles, leurs pratiques syndicales aussi pour donner naissance au SNUTER : Syndicat National Unitaire de la Territoriale. La FSU vous félicite, se félicite et qui sans aucun doute constituera une force essentielle dans la Fonction publique territoriale. Nous nous y engageons tous !
Il nous faudra regarder à ce congrès comment faire mieux vivre notre syndicalisme.
Le bilan et les premières analyses des élections professionnelles de 2014 montrent que nous n’avons pas réussi tout ce que nous souhaitions. Mais je l’ai souvent dit et c’est une conviction profonde : la FSU est riche de toutes ses ressources : sa place spécifique dans les services publics et la Fonction publique, son histoire, son rôle sur l’échiquier syndical…tantôt perçu comme un ovni, tantôt comme un agacement, mais bien souvent la FSU sert d’aiguillon aussi bien dans le monde syndical que face au gouvernement… La richesse des réflexions, des débats, des travaux menés aussi bien par ses syndicats nationaux et que pas ses sections départementales, notre pluralisme…Si nous avons déjà beaucoup progressé ces dernières années, nous devons aller encore plus loin pour faire vivre mieux notre projet fédéral et la fédération.
Nous devons aussi nous préoccuper du renouvellement et du rajeunissement pour assurer l’avenir de notre organisation. Travaillons sur les modes de fonctionnement, les formes de militantisme pour ne pas décourager les militants surtout à un moment où le dialogue social tel qu’il est mis en place les sollicite beaucoup, multipliant les réunions à tous les niveaux, augmentant souvent les distances à parcourir (et la nouvelle réorganisation territoriale ne va pas nous faciliter la vie)…
Nous devons veiller aussi à ne pas abandonner la question de la place des femmes. Et pour cela le travail d’analyse du secteur Femme est précieux. Il nous rappelle que notre fédération dispose d’un vivier particulièrement important. Mais bien que souvent légèrement mieux syndiquées que les hommes, elles sont moins présentes dans les instances (30 à 40%) et ainsi moins engagées dans l’activité syndicale. Alors, alerte…
Ce congrès du Mans est un congrès important dans la vie de la FSU. Il se tient à une période où, à travers le doute et un certain détachement, les salarié-e-s, les chômeurs et chômeuses, les jeunes et les retraité-e-s nous lancent aussi un appel. Je ne doute pas que ce congrès permette d’y répondre.
Il nous revient de leur redonner confiance en nous, en eux, en l’avenir.
Pour cela travaillons à l’essentiel, car « à force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » Edgar Morin (La méthode éthique – 2004).
Nous avons 4 jours devant nous pour nous y consacrer !