La réforme de la formation des enseignants et CPE était une des mesures phare du gouvernement. Dix-huit mois plus tard, et alors que la formation des enseignants est tous les jours invoquée pour régler les problèmes de la société, nous sommes loin des objectifs annoncés. Une crise du recrutement qui perdure, une « fausse alternance » qui ne règle rien.
La réforme de la formation des enseignants et CPE était une des mesures phare du gouvernement. Dix-huit mois plus tard, et alors que la formation des enseignants est tous les jours invoquée pour régler les problèmes de la société, nous sommes loin des objectifs annoncés.
Une crise du recrutement qui perdure, une « fausse alternance » qui ne règle rien.
La suppression massive de postes entre 2002 et 2012, la dégradation des salaires et des conditions de travail, la perspective d’études longues et coûteuses en l’absence d’aides financières, l’absence de parcours de formation lisibles pour se préparer aux métiers de l’enseignement et de l’éducation, conjugués à une entrée brutale dans le métier depuis 2010, ont enclenché une crise profonde du recrutement que l’augmentation du nombre de places aux concours ces dernières années, n’a pas permis d’enrayer. Nos métiers ne sont plus attractifs.
Pour faire face à la crise du recrutement des professeurs des écoles dans l’académie de Créteil, le ministère propose un concours supplémentaire à la session 2015. Si celui-ci peut momentanément aider à recruter davantage, il ne permet pas de résoudre la crise de recrutement sur le long terme.
Par ailleurs, le ministère a précisé à la FSU reçue en audience le 15 avril, qu’il envisageait d’expérimenter, dans les académies de Créteil et de Guyane un dispositif d’alternance en M1 dans le cadre des mesures relatives à « l’apprentissage dans la fonction publique » (4000 apprentis prévus tous métiers confondus). Ces étudiants seraient contractuels, placés à tiers-temps devant élèves sans assurance qu’ils ne soient pas en pleine responsabilité. La FSU rappelle son opposition à toute mesure qui amènerait les étudiants à être des moyens d’enseignement. En diminuant le temps de formation à l’ÉSPÉ et en faisant que ces étudiants soient en responsabilité seuls devant élèves, ces mesures détournent le principe même de l’alternance et de l’apprentissage. Elles nient le principe qu’enseigner est un métier qui s’apprend par une formation universitaire et professionnelle ambitieuse. Elles rompent avec l’exigence d’une même formation, de qualité, pour tous les enseignants et sur tout le territoire. Elles rompent par conséquent le principe de l’égalité républicaine ;
Une formation qui ne répond pas aux ambitions affichées
L’architecture de formation choisie depuis deux ans ne permet pas de répondre aux exigences universitaires d’un niveau M2 et de garantir une formation professionnelle de qualité.
Si une véritable formation en alternance peut permettre une appropriation progressive du métier et la construction de gestes professionnels, les conditions de sa mise en œuvre ne sont aujourd’hui pas réunies.
D’une part, le mi-temps en responsabilité devant des élèves tronque l’année de M2. Utilisés comme moyens d’enseignement, les affectations des stagiaires sont guidées par des logiques de gestion et non de formation. Suivant les ÉSPÉ, il existe de fortes disparités de contenus, de volumes de formation et de modalités d’évaluation. Il faut repenser les deux années de master en lien avec le concours.
D’autre part, les ÉSPÉ n’ont pas reçu et ne recevront pas (comme le ministère l’a confirmé lors de l’audience du 15 avril) de moyens supplémentaires pour adapter les parcours des stagiaires déjà titulaires d’un master (60 % des stagiaires du second degré et 50 % du premier degré) ou de ceux dont les spécialités ne possèdent pas de diplôme au-delà du BTS voire du Bac Pro. Ils n’en recevront pas pour financer des co-interventions, des concertations, des recrutements de maîtres-formateurs (1er degré), formateurs académiques (2nd degré) et formateurs ÉSPÉ en nombre suffisant ni pour construire des équipes pluri-catégorielles. Les nombreux dysfonctionnements, qui ont provoqué surmenage, épuisement, mécontentements et mobilisations chez les formateurs et les stagiaires (comme à Créteil, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Poitiers, Grenoble), perdureront.
Le comité de suivi de la formation et des ESPE a mis en avant d’importants « points de fragilité » : le tronc commun de formation, le mémoire, les parcours adaptés auxquels il faut ajouter les modalités d’évaluation, la charge du mi-temps, ce qui confirme les alertes lancées par les syndicats de la FSU depuis plusieurs mois. Mais aucune solution n’y est apportée et ce n’est pas la note que le ministère s’apprête à diffuser sur le « tronc commun » qui changera les choses.
L’absence de budget fléché et abondé pour faire fonctionner les ÉSPÉ ne leur permet pas d’assurer leurs missions. Cela est redoublé par une absence de démocratie puisque les personnels, étudiants et stagiaires sont sous-représentés dans les instances et que l’avis collégial est négligé. Il en résulte des décisions incohérentes, parfois inapplicables ou inutilement coûteuses et un épuisement des personnels qui cherchent à pallier ces dysfonctionnements.
De vraies mesures s’imposent ! Pour la FSU, la réforme de la formation ne peut rester en l’état.
S’attaquer à la crise de recrutement.
Il est urgent de mettre en place des pré-recrutements conférant un statut d’« élèves-professeurs » assurant une rémunération suffisante sans contrepartie immédiate de service afin de pouvoir sécuriser les parcours, réussir ses études et les concours.
Permettre une véritable formation initiale des enseignants et CPE de qualité.
Il faut réinterroger l’articulation entre les temps de formations, les stages et le concours, garantir une formation intégrée répondant aux exigences universitaires d’un master en donnant une véritable place à la recherche. Un cadrage national fort, accompagné de moyens correspondants et une carte des formations sont indispensables pour garantir une formation de qualité sur tout le territoire. Le mi-temps, voire le temps plein, en classe est une charge de travail insupportable : le stage en responsabilité doit être limité à un tiers-temps, les stagiaires ne doivent pas être des moyens d’enseignement et doivent être affectés au plus proche de leur lieu de formation. Il est, enfin, nécessaire que la formation soit poursuivie sur l’année de T1 (post-master) avant d’envisager un temps plein.
Donner les moyens aux ESPE de fonctionner, dans le respect de tous les acteurs.
Le ministère ne saurait faire l’économie d’un investissement supplémentaire pour atteindre ses objectifs de recrutement sans léser les autres filières de l’université.
Revaloriser les salaires et les carrières, améliorer les conditions d’accueil, de logement et de travail et créer une nouvelle dynamique de formation continue, afin de rendre durablement attractifs les métiers de l’enseignement et de l’éducation.
Il est urgent de redresser la barre, parce qu’on ne refondera pas l’école sans des enseignants et CPE titulaires et bien formés. La FSU demande que des mesures soient immédiatement prises concernant un véritable pré-recrutement et l’organisation de l’année de fonctionnaire stagiaire. Remettre à plat la réforme est indispensable pour penser une véritable formation intégrée et fournir au service public les enseignants de qualité dont les élèves ont besoin.