Alors que le débat sur le projet de loi Travail venait de commencer au parlement, le gouvernement vient de décider de le censurer en utilisant le 49.3.
Cette mesure autoritaire est une preuve de sa grande faiblesse, d’un mépris des centaines de milliers de jeunes, de salarié-e-s, de chômeurs qui se sont mobilisé-e-s depuis plus de deux mois, d’un mépris des plus de 70 % de français-es qui refusent ce texte. Après ses tentatives infructueuses pour convaincre l’opinion et son incapacité à rassembler une majorité pour valider son texte, le gouvernement refuse la confrontation parlementaire. Il refuse que le travail soit l’objet d’un débat démocratique dans notre pays.
Le Gouvernement a tenté d’éteindre l’incendie provoqué par son avant-projet de loi Travail, en apportant certaines modifications à ce texte. Cette tentative n’a pas complètement fonctionné, puisque, si une partie des syndicats et du PS s’est satisfaite de ces corrections, la majeure partie du mouvement social et des jeunes et un certain nombre de parlementaires de gauche n’acceptaient toujours pas le texte.
Contrairement à ce nous disent les Valls et El Khomri, on constate que les évolutions qu’a connues l’avant-projet de loi ne modifient pas sa philosophie. Ont été rabotées quelques dispositions trop voyantes ou symboliques, mais le texte reste régi par une volonté de diminuer les garanties des salariés, tant en ce qui concerne les conditions d’emploi que les conditions de licenciement. Cette volonté trouve l’un de ses vecteurs privilégiés dans l’inversion de la hiérarchie des normes, donnant la primauté de la négociation collective au niveau de l’entreprise. Le sujet est tellement important pour le gouvernement que le rapporteur s’est contorsionné pour trouver un amendement qui, sans toucher à cette nouvelle hiérarchie, donnerait aux branches un droit de regard sur les accords d’entreprise. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué disaient les Shadoks ? Il suffirait de ne pas inverser la hiérarchie des normes.
On comprend assez facilement que ce qui importe pour le gouvernement, ce n’est pas le dialogue social en soi, mais le dialogue social quand il permet de revoir les règles à la baisse, c’est-à-dire, en allant là où le rapport de forces employeurs-salariés, peut être le plus défavorable. Et si ça ne suffit pas, on passe aux accords types de branche où l’employeur coche les cases qui lui conviennent ou, tout simplement, à la décision unilatérale. Il suffit d’entendre M. GATTAZ quand il classe les organisations syndicales pour s’en convaincre.
Cette démarche est mortifère et vaine.
Mortifère car le Gouvernement n’ira jamais assez loin dans la course au moins-disant social. Les organisations patronales demandent toujours plus (ou plutôt toujours moins… de règles) sans pour autant s’engager à quoique ce soit. En attendant, le gouvernent détricote consciencieusement un siècle et demi de conquêtes sociales et désespère les salariés et les jeunes.
Démarche vaine, enfin, car rien n’atteste que cette course à la régression sociale est une recette qui marche pour combattre le chômage. Pour embaucher, les entreprises ont d’abord besoin de marchés, de débouchés et l’expérience montre que l’amélioration de la situation de l’emploi s’est manifestée (en France) soit lors de périodes de forte croissance économique, soit lorsque le droit du travail a conjugué réduction de la durée du temps de travail et encouragement de la productivité.
La dérèglementation n’est pas une solution d’avenir. Elle est source de pauvreté, d’inégalités et de mise en danger des travailleurs. Comment comprendre qu’elle puisse être mise en œuvre par un gouvernement censé représenter les salariés ?
En tout état de cause, ce projet, même remanié, même complété par des dispositions diverses, souvent vagues (comme le Compte personnel d’activité) ou « déjà dans les tuyaux » (comme la garantie jeunes) destinées à calmer la colère des jeunes, reste fondamentalement le texte de régression sociale le plus violent depuis plusieurs décennies.
Face à la crise que le gouvernement vient de provoquer, il n’y a pas d’autre solution que le dialogue et l’ouverture de discussions sur la question du travail pour garantir les droits des salarié-e-s, créer de nouveaux droits afin de répondre aux évolutions actuelles du monde du travail.
Ce passage en force du gouvernement ne réglera rien.
Avec l’intersyndicale, la FSU appelle les agents de la Fonction publique à continuer de se mobiliser avec les salarié-e-s du privé et les jeunes. Ensemble nous pouvons faire reculer ce gouvernement. Ensemble nous obtiendrons le retrait de ce projet de loi.